Grande Armée, Bataille de Friedland, Traités de Tilsit. LETTRE DU CAPORAL BRO, datée de Tilsit le 20 juin 1807, À SA MÈRE demeurant à Paris.
Lettre avec marque postale « N° 44 GRANDE ARMÉE », cachet rond à l'encre rouge « 11 juillet 1807 » et cachet de cire rouge. Elle est adressée « A Madame Bro major du notaire Rue du petit Bourgon 11e S. À Paris ».
Cette lettre, bien documentée, a été écrite au moment des traités de Tilsit avec le roi de Prusse, les 7 et 9 juillet 180, qui avait déjà accepté une trêve le 25 juin, et juste après la bataille de Friedland*** le 14 juin.
« C'est une fière jouissance que de faire la guerre avec un homme comme notre Empereur et surtout contre un ennemi que l'on a de la gloire à battre »
« Bords du Memel* près de Tilstiz** 20 juin 1807 »
D'après toute la France que nous faisons depuis quinze jours , je ne doute pas ma chère maman que vous et mon bon père n'ayez quelques inquiétudes sur mon compte. Je n'ai pas encore eu un seul moment pour vous donner signe de vie. Je ne suis pas encore mort de cette fois-ci, ce n'est pas faute d'occasions, depuis mon départ d'Elbing le régiment n'a pas été un seul jour sans se battre trois ou quatre fois. Nous nous sommes acquittés de notre devoir à la satisfaction de tout le monde, et je crois que cette fois on ne mettra plus en doute si l'ennemi est resté complètement. Il est venu nous chercher noise dans nos cantonnements, il ne s'attendait pas à nous voir réunir si promptement, l'éclair n'est pas plus prompt, en un moment la grande armée a été à ses trousses.
C'est une fière jouissance que de faire la guerre avec un homme comme notre Empereur et surtout contre un ennemi que l'on a de la gloire à battre. Las russes sont braves, mais il ne sont pas encore ce qu'ils croient et quand ils sont à force égale ils ne font pas si .. qu'on veut bien le dire.
J'ai un peu payé les frais de la guerre. J'ai perdu toutes mes effets il y a huit jours et il y en a trois (jours) j'ai été renvoyé dans une charge sur les cosaques et mon cheval a été pris. Je donnerai trente louis pour que cela ne fut pas arrivé. J'ai reçu un coup de lance sur l'épaule qui me tient le bras gauche en paralysie. Ce n'est pas un coup de pointe au mois, c'est tout bonnement une espèce de coup de bâton, mais si vigoureusement donné qu'il a tiré du sang, au surplus le camarade me l'a payé avec usure.
« Nous avons au devant nous des hommes de toutes nations, des Gentilhommes tartares qui portent des lances et servent de gardes au grand duc Constantin, c'est une belle et brave troupe. Deux tartares Kalmoucks qui nous ont envoyé des flèches comme celles avec quoi on tire à l'oiseau en France, c'était à mourir de rire, des cosaques du Don avec de grandes barbes, d'autres de l'Ukraine, enfin des démons de tous les cantons, comme à la tentation de St Antoine. Grâce à la fortune nous sommes au repos pour quelques jours et nous pourrons dormir, ce qui ne nous arrivait pas deux heures par jour depuis l'entrée en campagne.
Mon père me promet toujours une lettre de vous ma chère maman, mais je ne la vois pas arriver, il y a diablement longtemps que je suis sevré de lettre de Paris.
J'ai revu le jeune Lépinay Lepage la veille de notre départ d'Elbing, c'est un fort aimable jeune homme. (...)
Je n'ai que cette seule feuille de papier, je ne puis écrire qu'une lettre (...)
Je prends assez bien au régiment ; il n'y a rien de tel que la guerre pour faire faire connaissance (...)
Signé : Louis ».
3 pages de belle écriture. 24 x 19,5 cm.
Bon état, rousseurs, petite déchirure au niveau du cachet de cire.
NOTE :
* Il s'agit vraisemblablement du fleuve Niemen.
** TILSITZ : Tilsit
Les traités de Tilsit sont deux accords signés en juillet 1807 dans la ville de Tilsit par l'empereur Napoléon Ier après avoir remporté la bataille de Friedland. Le premier traité de Tilsit a été signé en secret le 7 juillet 1807 par le tsar Alexandre Ier et Napoléon, lors d’une rencontre sur un radeau au milieu du Niémen. Le second traité de Tilsit a été signé le 9 juillet 1807 avec le roi de Prusse, qui avait déjà accepté une trêve le 25 juin après avoir été pourchassé par la Grande Armée jusqu’aux limites des frontières de son royaume.
***BATAILLE DE FRIEDLAND : (14 juin 1807) a vu l’armée française sous le commandement de Napoléon Ier s’imposer de manière décisive face à une armée russe dirigée par le comte Levin August von Bennigsen. Elle eut lieu sur le territoire de Friedland, appelée ensuite Pravdinsk, à environ 43 km au sud-est de Königsberg.
Elle permet la conclusion du traité de Tilsit, signé entre Napoléon et Alexandre I er de Russie le 8 juillet. ... Quant au reste de l'armée russe, les hommes furent soit tués, soit faits prisonniers, soit forcés de se jeter dans le fleuve, les Français ayant détruit les ponts.
Reference :
18867-18