PORTRAIT D'UN CAPITAINE DE L'ÉTAT-MAJOR DE LA CAVALERIE OU D'UN AIDE-DE-CAMP DU COMTE D'OLONNE DE LA LÉGION DE MIRABEAU, DE L'ARMÉE DE CONDÉ, vers 1792-1793, Révolution.
Huile sur toile. Portrait d’un Capitaine en uniforme noir avec collet, revers parements et leurs pattes, passepoils et doublure bleue céleste, bouton et galons de grade argent. Épaulettes or avec doublure et franges argent. Gilet en drap noir avec boutons et tresses argent. Culotte en drap bleu céleste galonné argent. Gant en peau de couleur chamois. Baudrier porte sabre en cuir blanc avec plaque en bronze doré de forme rectangulaire frappée de la fleur de lys et des initiales « LM » (Légion de Mirabeau). Le capitaine arbore à son bras droit le brassard de l’Armée de Condé en soie blanche à trois fleurs de lys, il est armé d’un sabre avec garde multibranches en acier. Il est décoré de la croix de Saint-Louis. Le casque dit à la « Rumford » avec bombe en cuir avec bandeau et cimier en laiton doré frappé des Armes de France et d’une tête de lion, crinière et houppette en crins blancs. Hauteur 62 cm, largeur 47,50 cm. Présenté dans un cadre en bois doré plus moderne.
La crinière blanche et la rosace, ici très "fleurie", au centre de la "suédoise" (c'est-à-dire du brassard) permettent l'attribution de l'uniforme à celui d'un aide-de-camp ou à l'état-major.
Ce portrait peut-être daté entre l'été 1792 et avril 1793, époque à laquelle la légion avait dû adopter le brassard condéen au liseré et aux trois fleurs de lys noires pour les officiers et gentilshommes au lieu de la fleur de lys bleu céleste originelle.
L'officier représenté porte un uniforme identique à celui du colonel Alexandre d'Olonne, commandant de la cavalerie de Mirabeau, c'est-à-dire des 3 escadrons comptant environ 300 cavaliers :
1er escadron : hussards et uhlans.
2e escadron : volontaires de la générale et volontaires à cheval.
3e escadron : 2 compagnies de chasseurs à cheval.
Seuls les uhlans et les hussards avaient été levés à Ettenheim, dès fin 1791, dans les états du cardinal de Rohan, c'est-à-dire en face de Strasbourg ; sous la pression des princes allemands qui craignaient des représailles, la légion de Mirabeau et les Chevaliers de la Couronne avaient dû s'éloigner et compléter leur formation sur les terres du prince de Hohenlohe, proches de la Bavière, d'où le modèle du casque à la Rumford et la contre-épaulette en écailles métalliques.
La coupe de l'uniforme était proprement française (certains officiers portant même le surtout au lieu de l'habit) ainsi que les marques de grade du type cavalerie légère (chevrons d'argent au-dessus des parements et en haut de la culotte, mais aussi le type du gilet brodé).
Outre les armes de France portées sur le médaillon situé au centre du casque, la Légion de Mirabeau se distinguait par ses couleurs distinctives (noir et bleu céleste) et deux marques dont on ne voit que l'une : les deux lettres LM encadrant une fleur de lys, au centre de la boucle du baudrier et, détail que l'on ne peut voir ici, la devise du corps portée sur les boutons : "Honneur aux Preux".
Le sabre à trois branches, est, selon moi, de type palatin, ou d'un type français réalisé en Bavière, avec la garde en acier ; par contre, la dragonne dorée est très certainement française.
Très bon état.
France.
Révolution vers 1792-1793;
En 1791, le Prince de Condé, cousin du Roi, forme une petite armée, qui commence à s’organiser avec les nombreux officiers qui émigrent alors et quittent la France. En concurrence avec l’Armée des Princes et celle de Bourbon, l’Armée de Condé est la mieux organisée et la plus « professionnelle », et pourtant elle n’est pas employée en 1792. Lorsque les Coalisés veulent dissoudre toutes les troupes émigrées à la fin de l’Année 1792, (ce qui se fera pour les Armées des Princes et de Bourbon), le prince de Condé, qui a dépensé toute sa fortune à entretenir ses hommes demande que ses soldats soient pris à la solde de l’Autriche. Combattant pour le Roi, dans les rangs des Coalisés, essentiellement en Allemagne entre 1793 et 1797, les soldats de Condé, arborant au bras gauche un brassard orné de trois fleurs de lys noires (symbole du deuil de Louis XVI ), deviennent une troupe aguerrie, respectée par leurs adversaires républicains. Même si la mort est souvent donnée aux prisonniers, sur ordre des représentants en mission, comme traîtres à la Patrie ! À la fin de 1797, ce qui reste de l’Armée de Condé passe au service de la Russie, et est réorganisé.
En 1795, cette armée est forte d’environ 10.000 hommes soldés alors par l’Angleterre. Elle se compose de l’Infanterie (Régiment des Chasseurs Nobles ; Légion de Mirabeau ; Régiment de Hohenloe ; Régiment de Bardonnenche ; Régiment de Roquefeuille ; Régiment Alexandre de Damas ; Régiment de Montesson), de la Cavalerie (1er Régiment Noble ; 2e Régiment Noble ; Régiment du Dauphin ; Hussards de la Légion de Damas ; Hussards de Baschy du Cayla ; Chasseurs de Noinville ; Dragons de Fargues ; Chasseurs d’Astorg ; Dragons de Clermont Tonnerre ; Cuirassiers de Furange ; Chevaliers de la Couronne), et de troupes d’Artillerie du Génie, de Prévôté et de deux compagnies du quartier Général (une française et une Suisse).
Le colonel général propriétaire de la Légion de Mirabeau n’est autre que le Vicomte de Mirabeau. André Boniface, Louis Riquetti, chevalier puis vicomte de Mirabeau, est né à Paris le 30 novembre 1754. Le 6 novembre 1771, il entre comme sous-lieutenant non appointé dans les dragons de la Légion de Lorraine alors sous les ordres du chevalier de Viomesnil. Cinq ans plus tard, il passe au régiment Dauphin infanterie. À partir du 29 mai 1778, il sert comme capitaine au régiment de Nivernois. Envoyé aux Amériques, il va se distinguer contre les Anglais et le roi lui témoigna sa satisfaction en le nommant mestre de camp en second du régiment de Touraine.
Au mois de novembre 1790, il se rend à Turin auprès du comte d’Artois qui y réside depuis 14 mois chez son beau-père, le roi de Sardaigne. C’est pour lui demander de l’autoriser et de l’aider à lever une légion. André Boniface a, le premier, compris qu’il fallait se résigner à une résistance armée, devançant d’au moins sept mois l’organisation, à Worms, par le prince de Condé, de l’armée qui portera son nom dans l’histoire. Le comte d’Artois ayant accepté la création à ses frais de la légion, Mirabeau commence à recruter dans la région de Chambéry. Alors qu’il est à la tête de 100 officiers et de 300 hommes, il décide de rejoindre Condé.
La presse républicaine de Strasbourg se déchaîne contre Mirabeau et ses hommes qui n’ont pourtant rien entrepris encore, n’ayant ni équipement, ni arme. Ses articles, satiriques ou calomnieux irritent André Boniface. En réponse, le 3 avril, il débarque avec six hommes dans une île du Rhin, en chasse le poste de garde, invite les habitants à boire à sa santé et danse avec eux un rondeau avant de se retirer. Cette opération infirme la réputation de férocité répandue par les patriotes strasbourgeois, enthousiasme les légionnaires et favorise le recrutement. Le 13 mai, nouvelle opération de propagande : à la tête de 50 hommes, André Boniface occupe une île voisine de Rhinau, hisse le drapeau blanc et invite les habitants de la rive gauche à les rejoindre.
La Légion s’étoffe : de 640 fantassins et 134 cavaliers au 26 août, elle passe à 730 et 148 respectivement le 26 octobre. L’infanterie de Mirabeau comprenait des grenadiers, des chasseurs, des fusiliers et des « enfants perdus », sa cavalerie des volontaires, des hussards et des chasseurs auxquels s’ajouteront, 3 mois plus tard 50 uhlans. Il y avait même des artilleurs. Comme toujours en pareil cas le choix de l’uniforme appartenait au colonel propriétaire. La Légion se caractérisait par deux couleurs diversement associées : le noir et le bleu céleste. La première explique le nom de Légion noire de Mirabeau que l’histoire a retenu. Seule exception les chasseurs sont vêtus de vert sombre. Tous les membres de la Légion portent au bras gauche un brassard, appelé « suédoise », blanc, bordée en haut et en bas d’une bande bleu céleste, avec au centre une grande fleur de lys de même couleur, brodée ou en tissu découpé. En février 1792, la Légion passe sous la protection des Hohenlohe, elle va être complètement formée et instruite, à l’effectif de 1 497 hommes. Les ressources des princes s’épuisant, la paye de la solde devient irrégulière, obligeant pour y subvenir Madame de Mirabeau à vendre ses bijoux. Mirabeau, atteint d’une forte fièvre, est transporté à̀Fribourg à l’auberge de « l’empereur romain ». Il y est frappé d’apoplexie et meurt le 15 septembre 1792.
Mais si André Boniface n’était plus, sa Légion demeurait. Très affligée par la perte d’un chef qu’elle aimait, elle demanda et obtint que son cœur embaumé́ fut placé dans une boîte de plomb fixée à la hampe de son drapeau. Selon la coutume, la propriété de la Légion revint au fils de Mirabeau, Victor Claude. Mais celui-ci n’ayant que 4 ans, le commandant effectif fut assuré par le marquis de la Feronnière. Sous ses ordres, la Légion prend part brillamment à la campagne de 1793 au prix de lourdes pertes. Le 8 mai 1795, le marquis de La Feronnière quitte son commandement pour aller rejoindre la Vendée. La vicomtesse de Mirabeau, en qualité de tutrice de son fils, signe un contrat avec le comte Roger de Damas, aux termes duquel celui-ci devient colonel propriétaire de la Légion. Désormais Légion de Damas, elle aura une histoire glorieuse jusqu’en avril 1798 où ses diverses unités seront incorporées dans les régiments de l’armée de Condé lorsque celle-ci est prise à la solde de la Russie.
Cet historique est un résumé de l’article publié par le Docteur André Pages, à l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, en février 2003.
REMERCIEMENT :
Je remercie monsieur Hughes de Bazouges qui m'ai donner de précieux renseignements sur l'historique des uniformes et histoire de cette légion de Mirabeau.
Référence :
1104/08