Expédition du Tonkin. LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE NÉGRIER (Oscar) ADRESSÉE À « MON CHER GRISOT », Bac Ninh le 30 juillet 84. 18999-12
Intéressant témoignage du général Négrier adressé à « Mon cher Grisot » sur la chaleur, les tenues vestimentaires et la santé des soldats, et la situation militaire au Tonkin.
Bac-Ninh 30 juillet 84.
« ce courrier va t'apprendre une triste nouvelle. Tu la connais peut être par télégraphe. Le Capne Mason est mort subitement le 29 à Hon-hoa. Rien ne pouvait nous faire prévoir sa mort, je l'avais vu il y a un mois 1/2. Il me disait ne s'être jamais mieux porté.
Le soleil est ici le grand ennemi. Le Col. Duchesne a du te citer cet exemple : dans une petite reconnaissance autour d'hong-hop l 4e du 2 était restée au repos jusqu'à 4 h1/2 du soir... La marche est reprise doucement. Les hommes en vêtements de toile et sans sacs n'étaient nullement fatigués. Le soleil comme d'habitude était assez voilé. Vers 6 h du soir il se découvre un peu. En un instant 3 hommes meurent foudroyés [...] Guihal mon officier d'ordonnance a failli mourir. Il a déliré pendant 15 jours. Il est hors d'état de continuer et rentre en France en congé de convalescence. Je crois que Mason a été insolé sans s'en douter [...] Fait remarquable, un grand nombre des hommes qui meurent aux hôpitaux, ont des délires de terreur qui se reproduisent d'une manière régulière chez la plupart. Les médecins ne connaissent pas cette maladie, disent-ils [...]
Nous ne savons pas encore ce qui va se passer. L'ultimatum donné à la Chine expire le 1° août. Je suis convaincu qu'on redoute par dessus tout cette guerre. Je parierais que cet ultimatum sera prorogé et que nos menaces finiront en queue de poisson [...] Ce pays de montagne est pauvre, très malsain. Il coûtera cher en hommes et en argent. Fais le possible pour nous envoyer du linge et chaussures, des vêtements de toile et du campement en grande quantité. En ce moment il n'y a plus une paire de souliers dans les magasins du Tonkin. Rien qu'à Bac-Ninh, 196 hommes Infanterie et artillerie vont pieds nus [...]
Il s'enquiert également de la situation au Maroc « Allez-vous prendre Figuig, Ouchda, la Moulouya ? [...]
Signé : Négrier ».
H 20,5 cm x 13 cm.
Double feuille, 4 pages d'écriture.
Écriture en bon état (sans manque de texte), déchirures réparées.
BIOGRAPHIE :
Oscar de NÉGRIER, né le 2 octobre 1839 à Belfort et mort le 22 août 1913 à bord du navire Kong Harald au large de la Norvège, est un général de division et théoricien militaire français, grand-croix de la Légion d'honneur et médaillé militaire. Il s'illustre notamment pendant la répression de l'insurrection du sud-oranais (1881) en Algérie et pendant la guerre franco-chinoise de 1884-1885. Il commande ensuite plusieurs corps d'armée, est inspecteur d'armée et membre du Conseil supérieur de la guerre de 1895 à 1899.
HISTORIQUE :
Bắc Ninh est une ville du nord du Vietnam, chef-lieu de la province de Bắc Ninh.
La capture de Hưng Hóa (12 avril 1884) a été une importante victoire dans la campagne du Tonkin (1883–86).
L'expédition du Tonkin est une suite d'opérations militaires françaises opérées sous la Troisième République entre 1883 et 1886, menée par le Corps expéditionnaire du Tonkin, afin de poursuivre l'expansion coloniale en Asie du Sud-Est et de mettre un terme aux attaques chinoises ; elle constitue un élément du conflit avec la Chine.
Seconde expédition [...] Le retour de Ferry en février 1883 relance les opérations coloniales dans la région, faisant passer le corps expéditionnaire du Tonkin à quatre mille puis à neuf mille hommes. En août 1883, la cour de Hué est obligée d’accepter un traité de protectorat qui lui impose la présence d’un résident français, et démembre l’empire. Le Protectorat du Tonkin est soumis à une complète occupation française ; le nom d'Annam, utilisé jusque-là en Occident pour nommer le pays entier, ne désignera plus que la province centrale du Viêt-nam, également placée sous un régime de protectorat plus lâche.
Le nouveau commandant en chef du corps expéditionnaire en février 1884, le général Millot, organise ses forces (10 000 hommes en 1884) en deux brigades ; la première sous le commandement du général Brière de l'Isle et l'autre sous celle du GÉNÉRAL DE NÉGRIER.
Deux campagnes, l'une en mars-avril qui permet de conquérir BAC NINH et HUNG HOA et l'autre en mai-juin pour celle de Thai Nguyen et Tuyen Quang. Après l'embuscade de Bac Le, le général Millot demande son rappel pour le mois de septembre, se décrivant comme malade et désabusé.
L'amiral Courbet à la cour de Hué.
Par la convention de Tien-Tsin, la Chine reconnaît les conquêtes françaises et promet d'évacuer ses troupes au Tonkin. Mais un incident relance le conflit, l'amiral Courbet reprenant sa campagne contre les côtes chinoises. La paix ne reviendra partiellement que le 9 juin 1885, les troubles reprenant dans la région de Hué, jusqu'en décembre 1885.
Malgré la chute du gouvernement Ferry provoquée par l’évacuation du poste frontière de Lạng Sơn le 30 mars 1885, la politique tonkinoise se poursuivit, la chambre continuant de voter les crédits nécessaires malgré une plus faible majorité, pour la pacification du Tonkin qui ne fut véritablement effective qu’en 1891 grâce à la politique de la « tache d’huile » de Gallieni.
Référence :
18999-12