Guerres de Vendée. CADRE SOUVENIR DE FRANÇOIS CARCADO, GUERRES DE VENDÉE, NANTES 13 DÉCEMBRE 1793, Révolution. 13505
Cinq précieux souvenirs ayant appartenu à Françoise CARCADO, guillotinée à Nantes en mai 1794.
Sur la face avant du cadre sont présentés :
- une lettre manuscrite H 18,2 cm x 15,5 cm. :
« Nantes 13 décembre 1793, En ce momen Monsieur de Charette est à Montaigu ou vous marcherais je sais que vous irez à lui et que vous ferez ce que vous devez faire pour notre dieu pour notre roy pour notre patrie.
Je pense à vous ami qui aurez toujours mon fidèle souvenir.
Françoise ».
- une médaille en fer de forme ronde gravée « FRANCOISE CARCADO », diamètre 3,2 cm ; elle est attachée à un ruban rose formant pendentif.
- soie blanche formant cocarde, largeur 7 cm.
- coeur sacré en drap écarlate découpé et cousu sur un fond blanc, H du drap blanc 7 cm x 5 cm, H du coeur sacré 5,5 cm, largeur du coeur sacré 4,3 cm.
À l'arrière du cadre, un dessin au crayon de papier représentant le portrait de Françoise CARCADO avec l'inscription manuscrite « Ne vous étonnez pas objet aimé et doux si un soir de tristesse obscurcit mon visage, pendant qu'un savant crayon dessinoit mon visage j'attendois l'echafaud et je pensois à vous. »
Signé « F ». Nantes 10 mai 1794 ».
H à vue 21 cm x largeur à vue 15,5 cm.
L'ensemble est présenté sous verre dans un encadrement moderne, H 25,5 cm x 19,5 cm.
France.
Révolution.
Bon état général.
HISTORIQUE :
L'historien Fabien de Montjoye à publié un texte sur l'histoire de cette femme.
Le véritable roman de Françoise de Carcado
«Lorsqu'on décrit ces existences qui ressemblèrent à des romans, tissées d'actes d'une telle audace, d'un tel souffle qu'on ne saurait imaginer un cœur de notre époque capable de battre assez fort pour jamais les accomplir, il est difficile de croire qu'elles furent vécues par des êtres de chair dont le sang coule encore parfois dans nos veines.
Avouons tout d'abord que nous savourons ceci d'un peu loin, confortablement assis devant ces images floues tirées, au hasard, du fatras du passé, par des historiens modernes qui les maquillent de mots actuels, avant de les imprimer sur les pages neuves et propres de très sérieux manuels. Nous rèvons face au crépitement paisible de nos cheminées sur ce qui fut vécu face aux flammes réelles qu'allumèrent les passions, les combats ou les colonnes infernales.
De nos jours, où nul n'est plus vétéran de rien, seul du concret pourrait nous réveiller. Concret comme la découverte inattendue d'une relique de ces temps héroïques. Là réside la vertu des musées. Certes, un scapulaire usé, un drapeau déchiré par la mitraille, une lame patinée par deux siècles d'ensevelissement, cela évoque le Chouan, l'émigré, connu ou inconnu, fabuleux, idéal. Et le document est encore plus fort, car il fournit un nom, un lieu, une date, des faits faciles à vérifier. Malheureusement, cet instant que figea un jour sur le papier un être devenu invisible, ne nous dévoile pas son visage... Pourtant, celui que j'ai aujourd'hui devant moi le livre !
Il faut se résigner. Jamais nous ne vivrons ce qu'ils ont vécu, ni ne palperons les plaies des vérités gisant dans la poussière, près de leurs os blanchis. Mais lorsqu'on les aime, on cherche à les connaître, à plonger l'âme la première dans l'eau trouble du miroir où on les voit flotter et d'où ils nous attirent. Et ces reliques qu'ils nous ont laissées, donnant quelque épaisseur à leurs silhouettes fanées, sont autant de fils d'Ariane pour nous guider vers eux dans les méandres du temps. C'est lorsqu'en les touchant on sent vibrer la vie au bout des doigts, que l'imagination prend le large...
Françoise ! Tu es là devant moi. Ton visage mélancolique frappe à la porte de mes rêves. Tu as vécu ce que jamais je ne vivrai. Mais que sais-je de toi ? Tu fus une jeune héroïne, sincère et exaltée, qui s'engagea follement au « service de ton Roy comme en atteste le sceau dont tu frappes la cire noire de tes lettres. Au service de l'Amour, aussi, sans doute... Est- ce le beau comte, Robert de Raffin, de si fière allure dans son uniforme à haut- col, qui, en même temps que l'amour, te donna le goût de l'héroïsme ? Que ne ferait-on par amour, n'est-ce pas ? Que ne ferait-on pour briller aux yeux de l'être aimé ? Les anciens Grecs des phalanges le savaient déjà...
Françoise, tu vis à Nantes, à l'époque poisseuse de Carrier. Et, sentant le vent tourner, tu tentes de mettre à l'abri tes trésors les plus chers. Tu les renfermes dans une petite boîte en galuchat vert. Vert, comme l'espérance ! Il y a, dans cette boîte, un inventaire à la Prévert: Sacré-Cœur, cocarde blanche, portrait d'officier et broche vendéenne. Un soir d'angoisse, tu confies le tout à Corantin, ton fidèle domestique. Corantin qui, tu le sais, se ferait tuer pour toi. Ce qu'il fit d'ailleurs, car, à n'en point douter, c'est de son sang qu'il s'agit, craché à l'avers du billet que tu joins à la boîte aux reliques... De Nantes où tu clandestines ta vie, à Montaigu où gîte ton aimé, non loin du pays de Charette, les chemins sont hantés de patrouilles tirant sur tout et contre tout, comme pour briser de leurs balles la faim, le froid, la peur et l'ombre même du désespoir. Corantin en a subi le feu. C'est son sang qui a giclé sur ton courrier qu'il serrait sur son sein. A-t-il taché aussi la neige en expirant sa vie ? Les reliques, profanées par ses meurtriers, deviennent alors pièces à conviction. Ton amour a scellé ton destin. Pauvre Françoise | En écrivant à ton amant, c'est à la guillotine que tu fixais rendez-vous ! Je comprends bien ta peine, à présent. Je lis mieux ton visage…
La petite boîte verte fut saisie par des mains rouges. Rouges de sang.
Et Robert n'a jamais su ce que tu ressentais dans ta prison. Le sort, indifférent à nos maux, ne l'a pas agréé... Ton visage, tes paroles ont rejoint les autres pièces de ton procès, rassemblées par un tribunal cynique, institué par ceux contre lesquels toi, folle, fière, amoureuse et brave, tu t'étais dressée.
Le 10 mai 1794, lorsque tu écris du fond de ta prison, Robespierre est encore en vie. Toi aussi, mais pour combien de temps ? Ils t'ont traquée, les sbires de Carrier. Ils sont venus chez toi, les chiens enragés. A présent que tu es entre leurs mains sales, vas-tu, coûte que coûte, tenter de sauver ta vie ? Vas-tu, par exemple, te déclarer enceinte ? Je ne le crois pas... Tu es déjà en gésine de mort et c'est amoureuse que tu te déclares. Tu confies ton regret et ton courage aussi, à ce testament sur lequel ton écriture s'émeut en même temps qu'elle m'émeut. Ce testament que tu as lancé, comme une bouteille à la mer, dans l'océan du temps, est parvenu jusqu'à la grève solitaire de mon esprit blasé. Et il m'a porté, à la fois ton visage, ton cœur et tes pensées ! Remercie donc pour moi Julie, ton amie d'infortune, amoureuse comme moi de ton visage baissé dont elle a croqué les traits... Comme tu as dû prier pour que Robert sache ce qui t'arrivait! Comme tu as dû espérer, en collant des mots au dos de ton regard meurtri, que ce parchemin fragile parviendrait à franchir les murs de la prison! Il a fait bien mieux, Françoise, il a franchi ceux de ton tombeau...
Adieu Françoise qui ne me répond rien, noyée au fond de ce brouillard opaque où tu te caches désormais I
Françoise, Robert, Julie, Corantin... Qui furent ces hommes et ces femmes ? Quels furent leurs débuts et leurs fins ? Saura-t-on un jour des griffes de quel Destin, de quel engrenage glorieux, pathétique ou brutal, s'échappèrent ces traces qui viennent s'échouer aujourd'hui dans nos mains ? »
Référence :
13505