Armée Française en Espagne. LETTRE DU SOLDAT CLÉMENT BOURDAGEAU, datée de Bilbao le 6 septembre 1809, À SON PÈRE, instituteur à Salleboeuf (Gironde).
Belle lettre documentée sur papier fiscal « À TIMBRER À L'EXTRAORDINAIRE » « DÉPARTEMENT DE LA GIRONDE 50 Ces. ».
Avec marquage postal « N° 12 ARM. FRANCAISE EN ESPAGNE » et adresse :
« Monsieur Laurent Duclos obergiste rue Bouquiaire n° 22 à Bordeaux
pour remettre SVP à Monsieur Bourdageau instituteur à Salleboeuf Département de la Gironde Bordeaux ».
Bilbao, le 6 septembre 1809.
La première partie de la lettre est consacrée à une affaire d'argent avec évocation de Monsieur Gand, notaire rue de la devise Ste Catherine, suivie d'un pouvoir pour son père.
- Il parle ensuite de ses ennuis :
« Vous me dites que vous avez eu beaucoup de peine à l'égard de ma position. Je n'en doute certainement pas connaissant votre bon coeur. Je ne peux que croire que vous ayez eu grande peine et surprise à la vue de la lettre que je vous ai écrit. À vrai dire, j'étais mal et je n'étais pas tranquille mais ce moment là est passé et je suis actuellement très tranquille et même heureux. J'ai recouvert par mes petits soins toutes les pertes que j'avais fait mais actuellement je viens de perdre ma montre laquelle ne me coûtera pas grand chose pour la remplacer. Ce que je regrette le plus c'est l'anneau que vous aviez sorti de votre table dont je m'étais emparé, mais tout est perdu, c'est un soldat du 69è qui me l'a volée ... ».
« Je remercie beaucoup M. Paris des bontés qu'il me prodigue pour mon bonheur et mon avancement, assurez le que je suis très bien, que si j'ai éprouvé des petites peines c'est qu'en ce moment personne n'en était exempt, que toute la troupe de Bilbao est sortie et se battait comme nous.
- puis il donne des détails tout à fait intéressants sur la guerre :
À l'égard des affaires d'Espagne, je peux vous détailler tout ce qui se passe. Je commence d'abord pour dire que toute la troupe espagnole est véritablement un brigandage, tout nu, pieds nus, remplis de vermine, enfin cela fait pitié !
La dernière affaire est du 1er septembre avec un commencement le 28 août. Cette dernière fois ces brigands, au nombre de 34.000 prétend-on, sont entrés dans St André en passant par l'Andalousie et par le pont de Sina., mais ils ont été bien trompés. Mr le général Bonet* s'est transporté avec 7.000 hommes à 4 lieues au dessus de St André et a pris position le 27, le 28 il les a repoussé de 3 lieues, le 29 il a repris ses positions, le 30 il a fait soigner sa troupe. Le 1er, il s'est battu en personne avec 200 hommes dans son avant-garde, il s'est replié sur sa troupe et soudain il s'est mis en bataille et on a fait de grandes conquêtes., ils ont tué environ 180 espagnols, ils en ont blessé davantage et on fait 3.000 prisonniers, ils ont repoussé le restant à 20 lieues lesquels ont été tellement en déroute qu'on ne les a plus vus.
Cette troupe n'est que des particuliers révoltés lesquels sont absolument haïs des habitants ils portent plus préjudice au pays que les français parce qu'ils ruinent le pays où ils passent soit pour leur entretien, leurs vivres et même font contribuer pour avoir de l'argent. Il est visible que cela ne durera pas longtemps, du reste l'Espagne est très tranquille, toutes les villes même les plus fortes ne demandent que la paix et la tranquillité. Les bourgeois des villes forment eux-mêmes des patrouilles et des gardes pour se maintenir tranquilles.
Je suis votre soumis fils Clément Bourdageau ».
3 pleines pages de texte. 25,3 x 22 cm.
Bon état, mouillures, une déchirure hors texte.
*Jean Pierre François, comte Bonet, né le 8 août 1768 à Alençon (Orne), et mort dans la même ville le 23 novembre 1857, est un général français de la Révolution et de l’Empire.
... Fin 1807, il est appelé alors au commandement d'Aranda, il se distingue surtout pendant la campagne de 1808 en Espagne. Il combat à Burgos en 1808, avant d’être gouverneur de Santander et commandant de la 2e division du 2e corps. Pendant les années suivantes, il combat à Santander, contre Juan Díaz Porlier dans les Asturies, à l'attaque de Celdessajoras, à Gijón, à la bataille des Arapiles, qui est livrée par Marmont, malgré les remontrances du général Bonet, enfin au combat de Penaranda, où il est blessé très grièvement. En 1811 il se déplace vers le sud à Astorga, sous Dorsenne. Il retourne dans les Asturies en novembre 1811. Il combat à Salamanque en juillet 1812 et est blessé.
Référence :
18866-16