Armée du Rhin, BELLE LETTRE DOCUMENTÉE DU SOLDAT MICHEL BOUILLION À SES PARENTS, depuis Bâle en Suisse, 10 juin 1800.
Michel Bouillion est soldat à la 103ème demi-brigade 2ème bataillon 3ème compagnie, en garnison à Bâle en Suisse.
Il écrit une longue lettre à ses parents « Au Citoien Pierre Bouillon de Resson par Bar sur Ornain département de la Meuse A Resson » pour leur raconter leur revers au Tyrol et la dureté de la vie de soldat.
Lettre marquée Bau Gal ARM. DU RHIN.
« De balle en Suisse, le 20 préréal la 8ème de la république française ».
Orthographe rétablie.
« Étant arrivé en France, je me suis empressé de mettre la main à la plume pour vous donner de mes nouvelles et pour m'informer de l'état de votre santé. Tant qu'à la mienne, elle est aussi assez bonne grâce à l'Etre Suprême. J'espère et désire que la présente vous trouvera dans les mêmes dispositions c'est ce que je demande à l'Etre n'ayant d'autre chose sur la terre capable de me satisfaire (...).
(...) Je vous dirai que nous avons été fait prisonniers de guerre par les autrichiens le 15 mai dans les pays des Grisons dans lequel l'ennemi nous a attaqués quelques jours avant d'être pris. Nous avons combattu de tous nos forces contre l'ennemi. Quelques jours après, ils sont venus pour la deuxième fois nous attaquer avec grande fore voyant qu'ils n'avaient pu rien faire la première fois. Nous avons été environnés de toute part par l'ennemi et les paysans, qui prennent tous les armes contre nous. Nous n'avions aucune retraite, nous avons été obligés de descendre un rocher qui était très haut, auquel les pierres nous tombaient sur la tête et l'ennemi qui faisait feu sur nous, et nous avons passé une grosse rivière qui était très rapide, nous avions de l'eau plus de la moitié du corps, l'eau nous a enlevé plusieurs soldats qui ont été noyés. Toutes nos munitions ont été noyées. N'étant plus capables de faire feu, nous avons fait au moins dix lieues dans les montagnes, il y avait des endroits avec dix pieds de neige. Nous marchions dans les plus grandes routes, deux hommes à côté l'un de l'autre, mais il n'y avait que de petits sentiers bien étroits. N'ayant plus de ressources, plus de vivres tous les passages étant occupés par l'ennemi et paysans qui nous faisaient encore le plus de mal, nous avons été obligés de déposer les armes en haut d'une montagne où il faisait très grand froid. L'on nous a fait marcher plus de 150 lieues par le Tyrol qui est un pays .. l'on y récolte que des pierres et la neige. Le grain y est extrêmement cher. Nous avons quelquefois manqué de pain, nous étions obligés d'en acheter, les boulangers nous le vendant la moitié plus cher qu'aux gens de l'endroit et encore ils ne voulaient rien nous vendre que nous dire des sottises jusqu'à nous cracher à la figure malgré la protection des conducteurs mais j'espère que nous aurons vengeance contre l'illustre nation de Tyrol. Etant arrivés à notre destination qui est une ville Klagenfurt, nous avons été enfermés dans des casernes sans pouvoir sortir n'ayant aucune communication avec les bourgeois. Il y a un très grand nombre d'émigrés qui ne nous regardaient pas d'un très bon oeil. Le climat du pays est très malsain. Nous avons été tous malades, beaucoup en ont payé le tribut, nous en avons eu 25 de notre compagnie, mon camarade Humblot est mort, cela m'a fait beaucoup de peine car vous pouvez bien vous imaginer que j'ai fait tout mon possible pour le soulager. Il a été environ quinze jours malade, le plus fort se tenant à la poitrine. Nous avons eu 500 hommes de mort dans notre bataillon. Nous sommes restés neuf mois dans ce malheureux quartier sans pouvoir sortir.
Nous voici arrivés en France dans notre patrie. Nous avons repassé le Rhin après avoir fait une route de 300 lieues sortant des frontières de la Hongrie. Nous avons mis deux mois de marche pour faire la route ensuite pour nous refaire de tant de fatigue et de tout le mécontentement. Je vous prie mon cher père et ma chère mère de m'envoyer de l'argent pour m'acheter quelques petites choses pour me couvrir car nous avons été dépouillés de tout ce que nous était nécessaire. Grâce aux camarades qui ont encore trouvé quelques sols qui nous ont été prêtés pour faire la route. »
Il écrit en marge un mot disant qu'il est arrivé à l'hôpital de Wissembourg.
En fin de lettre un camarade nommé Baillot rajoute quelques lignes.
3 pages de texte très dense. 34,3 x 21,3 cm.
État moyen, rousseurs, bord déchiré au niveau du cachet de cire mais sans manque de texte.
1800.
Référence :
18859-19