GABRIEL LE COIGNEUX DE BELÂBRE : 16 LETTRES ÉCRITES DURANT LA CAMPAGNE DE RUSSIE, du 25 mai au 18 décembre 1812, À SON COUSIN RENÉ LE THOMÉ.
Très bel ensemble de 16 lettres écrites par Gabriel Le Coigneux de Belâbre au jour le jour, tout au long de la campagne de Russie, à son cousin René de Thomé « A Monsieur René de Thomé Rue des Francs-Bourgeois n° 16 au Marais à Paris ». Elles sont datées de Thorn, Dantzig, Gumbinnen (à 30 lieues à l'est de Koenigsberg), Vilna, Glubikiy, Smolensk, Moscou ... du 25 mai 1812 au 18 décembre 1812.
Quelques extraits :
- 2 juin 1812, Thorn : « Je suis abîmé de fatigue du voyage de Posen ici. Notre calèche nous a quittée pour toujours dans cette dernière ville (Posen). On l'a donnée à des Généraux ; et l'on nous a mis dans des charettes affreuses absolument semblables à celles dans lesquelles dans lesquelles on mène les veaux au marché (...)
- 29 juillet 1812, Witebsk (bataille de Witebsk 26 et 27 juillet 1812 : « (...) Je me porte bien, Mr Mounier a toujours les mêmes bontés pour moi. Depuis Glubkiy je me suis trouvé en voyage avec le ministre secrétaire d'Etat Cte Daru(*). Mr Mounier m'a présenté à lui. Il s'est resouvenu que M. de Ballainvilliers lui avait parlé de moi. Il m'a très bien traité. Pendant les quatre jours du voyage il m'a fait déjeuner, diner et souper avec lui et Mr Mounier. Nous avons couché même dans la même chambre ou grange (...).
* Pierre DARU : Vers la fin de 1811 et au commencement de 1812, devant l'imminence d'une rupture des relations franco-russes, Daru accompagne Napoléon en Russie. Après la bataille de Smolensk, Daru conseille à l'Empereur d'abandonner la poursuite d'un ennemi qui se dérobe par une fuite calculée, arguant que les approvisionnements ne suivraient plus avec sécurité la marche de l'armée française et que les convois ne pouvaient s'aventurer dans un pays où manquaient les lieux pouvant recevoir des magasins. L'incendie de Moscou justifie les craintes de Daru. Pendant la retraite de Russie, il remplace le général Mathieu Dumas, malade et dans l'impossibilité de continuer ses fonctions d'intendant général, nomination officialisée le 6 novembre 1812.
- 21 août 1812, Smolensk : « (...) il y a trois jours que je suis ici, manquant de tout comme cela doit être dans une ville brûlée. Je ne mange que du chocolat, il y a huit jours que je n'ai mangé autre chose et cela au pied de la lettre. Mon estomach étant fort délicat, j'en souffre beaucooup (....). J'ai vu Pierre d'Aubusson à Witepsk. Sa blessure l'obligerai d'aller vous rejoindre. Je voudrais être à sa place. J'ai vu aussi à Witepsk Mr de Dampierre l'aide de camp du Gl Durosmel (**). Il se porte à merveille (...) ».
** Antoine Jean Auguste Durosnel, né à Paris le 9 novembre 1771 et mort le 5 février 1849 à Paris, est un général français de la Révolution et de l’Empire. Il siège à l'Assemblée nationale sous la monarchie de Juillet.
- 23 août 1912, Smolensk : « Mon cher René, c'est des bords du Boristhène que je t'annonce une très mauvaise nouvelle pour moi. Le Gal a obtenu sa retraite et part demain pour France (...). Sa santé la forcé à s'arrêter au miieu de la Campagne et Charles Dampierre l'accompagne. Pour moi je reste attaché à l'Etat Major du roi d'Italie, a peu près comme un enfant perdu. Cependant comme j'ai bon courage et surtout bon espoir de voir la campagne se terminer bientôt, je prends mon partie en brave et vais partir dans une heure pour rejoindre notre 4è Corps qui est parti ce matin de bonne heure (...)
- 2 septembre 1812, Gjalsk (à 40 lieues avant Moscou) : « (...) ma santé se soutient toujours faiblement. Cela ne pourrait pas se maintenir ainsi quelque tems sans maladie. Mais j'espère que le repos viendra me donner des forces. J'en ai bien besoin car ma machine est entièrement démontée. Je vous ai mandé de Witpsk que j'avais vu M. Pierre d'Aubusson blessé au col non dangereusement mais assez pour l'obliger à retourner en France. Quant à Mr d'Oberlin (****), si je n'étais pas très occupé je pourrois peut être le trouver. Le Général Dessoles(***) était à Smolensk pendant que je m'y trouvais, mais il m'a été impossible de m'échapper un instant pour chercher l'excellent d'Oberlin. Je sais qu'il se porte bien (...)
*** Jean Joseph Dessolles est un général français de la Révolution et de l’Empire, puis homme politique de la Restauration. En 1812, arrivé à Smolensk, sa santé l'oblige à revenir à Paris.)
**** Le baron Eugène Valentin Oberlin de Mittersbach est un homme politique français né le 25 avril 1785 à Bouxwiller (Bas-Rhin) et décédé le 21 octobre 1848 à Villeherviers (Loir-et-Cher). Colonel de cavalerie et chevalier de l'Empire (1813), il est conseiller général et député de Loir-et-Cher de 1830 à 1837, puis pair de France de 1841 à 1848. Il était officier de la Légion d'honneur. Engagé au service de l'Autriche en 1798, il se retrouva en 1808, aide de camp du général Dessolles, participa aux campagnes d'Allemagne, d'Espagne et de Russie, où il fut grièvement blessé à la Moskowa.
- 10 octobre 1812, Moscou : (...) Le 3 de ce mois je t'ai écrit et t'ai envoyé une lettre dictée par l'excellent d'Oberlin avant son départ. Il sera dans deux mois à déjeuner avec toi. hélas je n'ai pas la même espérance. (...) Il parle également dans cette lettre de la maladie de son père qu'il vient d'apprendre.
- 11 novembre 1812, Smolensk : courrier consacré uniquement à son état de santé.
- 18 décembre 1812, Angersburg, sur la route de Gumbinnen à Thorn : il annonce son retour en France « (...) Ma lettre du 9 octobre de Vilna t'aura déjà appris cher et bon cousin que je ne tarderai pas à avoir le bonheur de t'embrasser. Ce sera j'espère dans trois semaines. Je ne voyagerai pas toujours jour et nuit, après deux mois de bivouac on a besoin de se ménager (...). Je suis content de ce que tu me mandes de mon pauvre père. J'au bien du plaisir à témoigner moi même à Mme Henri combien je suis reconnaissant des soins qu'elle prend de mon exceller père (...) ».
1812.
Référence :
18869-12