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HARNACHEMENT COMPOSÉ DE LA BRIDE, DE LA SELLE ET DU TAPIS DE SELLE, PORTÉ PAR LE MARÉCHAL PHILIPPE PÉTAIN LORS DU DÉFILÉ DE LA VICTOIRE (14 JUILLET 1919), TROISIÈME RÉPUBLIQUE.

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HARNACHEMENT COMPOSÉ DE LA BRIDE, DE LA SELLE ET DU TAPIS DE SELLE, PORTÉ PAR LE MARÉCHAL PHILIPPE PÉTAIN LORS DU DÉFILÉ DE LA VICTOIRE (14 JUILLET 1919), TROISIÈME RÉPUBLIQUE.

BRIDE
Bride en cuir ciré noir sur le modèle des officiers généraux du règlement du 23 juillet 1844, dessus de tête garni d'une chaînette en laiton, frontal sans décor, muserolle en cuir simple, mors de bride à branches inférieurs à la Condé. Bossettes de mors en laiton décorées en relief d'une tête de méduse, elles sont moulées d'une seule pièce et vissées aux branches en haut et en bas. Le mors est complet de sa chaînette, de ses rênes et du filet.

SELLE
En cuir fauve complète de ses fontes avec embouchoir en laiton doré, couvre-fonte en cuir fauve, croupière, coeur de poitrail en laiton découpé en forme de coeur décoré d'une tête de Méduse complet de toutes ses courroies, sous-ventrière, étrivières et étriers en bronze.

TAPIS DE SELLE
Tapis de selle en drap bleu horizon bordé d'un double galonnage en laine noire, galon extérieur largeur 6 cm, galon intérieur 3,5 cm. En bas au passage des bottes, un quartier en cuir ciré noir est placé sur les galons, longueur 25 cm, H 11 cm. Tapis doublé de chamois blanc.
Tapis en bon état de conservation, légèrement insolé d'un côté, quelques trous de mites infimes, galons usés en partie basse arrière avec frottements et manques.

Le seul maréchal à porter un tapis de selle bleu horizon fut Philippe Pétain. Il eu deux tapis de selle qui diffèrent légèrement par le renforcement en cuir du passage de botte, comme en témoigne les photographies d'époque.

PHOTOGRAPHIE
Photographie imprimée en forme d'affichette sur beau papier (H 50 cm, largeur 59,5 cm) représentant le maréchal en tenue bleu horizon sur son cheval blanc avec harnachement à tapis de selle bleu horizon.

Très bon état.

France.

Troisième République.

PROVENANCE :
Cet ensemble était conservé dans le salon de la maison L'Hermitage de Villeneuve-Loubet du Maréchal Pétain. Il en fit don à l'un de ses deux jardiniers pendant la Seconde Guerre Mondiale, lorsque le Maréchal s'y rendait jusqu'en 1943, qui le conserva dans la famille, puis son fils le céda dans les années 1990-2000.

HISTORIQUE :
Le harnachement des officiers généraux et maréchaux de France est défini par le règlement de 1844 et en sera ainsi jusqu'en 1884. À partir de cette date, le harnachement de petite tenue ne comporte non plus la selle anglaise en cuir mais la nouvelle selle d'officier dont les sacoches sont remplacées par des fontes en cuir fauve se fixant au moyen de deux tiges en fer entrant dans les deux gaines situées de part et d'autre du pommeau, à la jonction du quartier et du petit quartier. Ces fontes sont recouvertes de calottes montées sur un chapelet de cuir fauve, en grande tenue elles sont garnies de peau de panthère et bordées de deux galons de poils de chèvre garance, tout comme le tapis.
La bride de petite tenue est du même modèle que celle de grande tenue mais elle est en cuir noir ciré et non verni, le frontal est sans galon d'or et les montants du filet ainsi que sa rêne sont en cuir noir.
Dans son ouvrage « La cavalerie française et son harnachement » le colonel Dugué Mac Carthy écrit :
... « Avant 1914, la République n'élève aucun général à la dignité de Maréchal de France, quels qu'aient été les services rendus et les commandements exercés.
Lorsque débute la grande guerre, l'automobile a déjà remplacé, depuis un certain temps, le cheval comme moyen de déplacement des grands chefs. La guerre n'a fait qu'accélérer ce processus.
Après la bataille de la Marne et la "course à la mer", les généraux n'ont eu que rarement la possibilité de se montrer à cheval à la tête de leurs troupes, pour de rares prises d'armes et, après l'armistice, à l'occasion de l'entrée victorieuse de leur grande unité dans une ville libérée.
Pour ces cérémonies, le harnachement de grande tenue est rarement utilisé, le velours cramoisi et les galons d'or s'alliant mal à l'austérité des sévères uniformes adoptés à partir de 1915. D'ailleurs, les généraux, promus pendant la guerre, n'avaient évidemment pas cru nécessaire d'acquérir une sellerie aussi luxueuse. Le harnachement de petite tenue comporte habituellement la selle d'officier modèle 1884, les sacoches avec bouts de fonte, la bride, le poitrail et la fausse martingale en cuir fauve. Le tapis de drap garance est le plus utilisé, les généraux le préférant au tapis bleu horizon à double galonnage bleu foncé, les mêmes galons bordant les calottes de peau de panthère. Les sangles sont en tissu de laine bleu horizon, ou encore du modèle réglementaire pour les officiers.
Les généraux des troupes coloniales ou nord-africaines qui ont adopté la tenue kaki ne pouvaient pas utiliser le tapis de selle bleu horizon. Si quelques-un d'entre eux ont adopté un peu élégant tapis kaki galonné de marron, la plupart lui ont préféré le tapis garance réglementaire.
Particulièrement révélatrices des fantaisies régnant dans le domaine du harnachement au sommet de la hiérarchie de notre armée sont les photographies du défilé de la victoire à Paris, le 14 juillet 1919.
Le Maréchal Joffre est vêtu de la petite tenue des officiers généraux en 1914 ; son harnachement est celui de grande tenue à la même date : selle de velours cramoisi, tapis de drap cramoisi bordé de deux galons d'or, calottes recouvertes en peau de panthère pareillement galonnées, bride, poitrail et fausse-martingale en cuir verni noir, sangle en tissu de laine rouge, étrivières en maroquin rouge, boucles, passants, coeur de poitrail, gourmette de dessus-de-tête et étriers en cuivre doré, montants, rênes de filet et frontal en galon d'or.
Le Maréchal Foch porte la tenue gris-bleu, adoptée également par son état-major. Son harnachement est celui de petite tenue des généraux : selle, poitrail, fausse-martingale, bride et étrivières en cuir fauve, boucles, passants, coeur de poitrail, étriers, gourmette de dessus-de-tête en cuivre, sangle en ficelle tressée du modèle utilisé par les officiers avant 1889. Les sacoches en cuir fauve et les bouts de fonte qui les prolongent dépassent sous les calottes ; celles-ci ont leur partie supérieure en cuir fauve, leurs faces latérales sont recouvertes en peau de panthère, elles sont bordées d'un double galonnage bleu foncé, l'intervalle entre les deux galons et le passepoil de bordure est en drap gris bleu. Le tapis de selle est en drap gris-bleu bordé de deux galons bleu foncé, le passage de sangle renforcé de deux plaques de cuir noir, celle du côté gauche prolongée vers l'arrière pour protéger le tapis du fourreau de l'épée.
Le Maréchal Pétain a le même harnachement, mais son tapis de selle est bleu horizon très clair, teinte de la gabardine de son uniforme.
Le Général Weygand, chef d'état-major de Foch, est vêtu, comme le maréchal, de la tenue gris-bleu. Son harnachement est composite : bride en cuir fauve des officiers généraux en petite tenue, selle du modèle réglementaire des officiers avec sacoches sans calottes, ni bouts de fonte, longe-poitrail, étriers d'acier poli. La selle est placée sur un tapis de feutre gris-bleu dans aucun galon et garni de chaque côté d'importantes plaques de protection en cuir fauve habituellement réservées au seul côté du sabre.
Plusieurs généraux, Fayolle et de Castelnau entre autres, ont la sellerie de petite tenue en cuir fauve, les sacoches avec bouts de fonte et dépourvues de calottes, la selle placée sur la couverture bleu foncé pliée en quatre.
Après la grande guerre, maréchaux de France et officiers généraux ont eu de moins en moins l'occasion de monter à cheval, puisque l'automobile leur a permis d'exercer leur commandement avec une plus grande efficacité et une bien moindre fatigue. Ils n'en avaient pas moins un ou plusieurs chevaux d'armes, sur lesquels ils apparaissaient épisodiquement à l'occasion de cérémonies militaires. » ...

NOTE :
Le Défilé du 14 juillet 1919, est le premier après la fin de la Première Guerre mondiale, l’armistice ayant été signée le 11 novembre 1918. Le défilé passe sous l'arc de Triomphe, la tombe du Soldat inconnu n'étant installée sous l'arc qu'en 1921.
Ce défilé, voulu par Georges Clemenceau, chef du gouvernement de l'époque, veut honorer ainsi le million et demi de soldats morts au combat au cours de la Première Guerre mondiale.
Participants au défilés: 1000 mutilés défilent en tête, les maréchaux vainqueurs Joffre, Foch et Pétain à cheval, les armées alliées ( américains, belges, anglais, écossais, italiens), l'armée française (armée d'Afrique, zouaves, les différents corps de l'armée) les chars fermant lé défilé.

Au défilé de la victoire, les maréchaux Joffre et Foch, généralissimes des armées françaises et étrangères, étaient en tête de défilé.
Pétain généralissime de l'armée française, pour ne pas être dépareillé de “ses poilus” s'est fait faire le tapis de selle coordonnée aux uniformes couleur bleu-horizon.
Joffre conserve sa tunique de petite tenue et la selle avec le tapis garance galonner rouge.
Foch était en gris-bleu et son tapis de selle en gris-de-fer bleuté galonné bleu foncé .
Les selles du défilé de la Victoire des maréchaux Joffre et Foch sont au musée de l’armée.

Article paru dans Le Figaro du 15 juillet 1919.
« La Victoire est entrée le 14 juillet 1919 dans Paris. On l'attendait. On pensait la connaître. On l'ignorait pourtant de même qu'en voyant planer une aigle, on ignore la largeur de ses ailes.
Nous savions que depuis bien des jours elle était parmi nous; nous savions qu'elle était la plus belle et la plus noble que les hommes eussent jamais remportée sur les hommes - et que, grâce à elle, la vie du monde allait pouvoir continuer dans la robuste allégresse d'un monde et d'un labeur nouveaux.
Mais elle était pour ainsi dire éparse, diffuse, abstraite. Nous ne l'avions pas vue. Nous l'avons vue le 14 juillet 1919 au matin. C'était Elle! Et nous avons assisté à cette splendeur: le sacre de la Victoire. Pour une telle magnificence, il ne pouvait y avoir qu'une voûte: le ciel; qu'une cathédrale: Paris; qu'une religion: la France.
Il semblait à certains que le défilé des vainqueurs ne devait être en somme qu'une émouvante et pieuse formalité. Quelle erreur! En un instant, dans la pure et fraîche lumière de cette incomparable matinée où le soleil lui aussi avait remporté sa victoire, nous avons tous senti qu'entre l'instant où nos bataillons avaient disparu sous le monument de pierre et celui où ils apparurent au sommet des Champs-Elysées, une destinée s'était accomplie.
Nous avons tous senti que brusquement toutes choses venaient de rentrer dans l'ordre, et de reprendre leur place et leur rythme, que les plus grands mots de notre langue, ceux dont la beauté a résisté à tout, même aux hommes politiques: patrie, honneur, liberté, justice, sacrifice, s'étaient regonflés de leur sens le plus noble et le plus exact, que notre histoire accélérait sa marche sur la voie triomphale où elle avait longtemps marqué le pas, et que les monuments eux-mêmes retrouvaient, comme par miracle, leur véritable destination.
Le défilé de nos héroïsmes.
Nous avons tous senti qu'en cette heure si grande, qu'on doit renoncer à en sentir toute la beauté, Hier se nouait à Demain par le fil bleu des soldats, sur lesquels l'Arc de Triomphe, à mesure qu'ils passaient, posait le sceau de la Gloire.
L'Arc de Triomphe! Nous étions habitués à prononcer ce mot sans réfléchir à ce qu'il signifiait et à la pensée qui l'avait élevé dans les rayons du soleil d'Austerlitz. Nous ne songions plus qu'il n'avait d'autre but que de livrer passage à nos troupes victorieuses. Il nous est réapparu le 14 juillet 1919, égal à son Destin.
D'abord viennent les mutilés, marchant et trébuchant dans leur gloire, et dont les bras et les jambes sont restés là-bas, un peu partout, en Alsace, en Champagne, en Lorraine, dans les Flandres. Ils n'ont pas d'uniformes. Leur uniforme, c'est de ne pas être complets. Et il y a parmi eux des femmes. Et il y a parmi eux un enfant. Et c'est à la fois le défilé de nos héroïsmes - et de leurs crimes.
Les maréchaux ont voulu ne venir qu'ensuite. Les voici: Joffre et Foch fiers simples et modestes, rayonnants aussi, non point de leur victoire, mais de celle de leurs hommes. Ils semblent réunir à eux deux toutes les vertus de la race l'énergie, le clair bon sens, l'initiative, la volonté de tout sacrifier de leurs soldats à la patrie - et d'eux-mêmes à leurs soldats. Ils marchent côte à côte, le père et le grand-père. Il y a là celui qui a dit, bien qu'attaqué de toutes parts et débordé sur son flanc: «Situation excellente. J'attaque.» Il y a là celui qui a dit au lendemain de la victoire qui sauva Paris: «N'illuminez pas, nous avons trop de morts». Il y a là les deux hommes qui ont sauvé la France.

Les maréchaux ont voulu ne venir qu'ensuite. Les voici : Joffre et Foch fiers simples et modestes, rayonnants aussi, non point de leur victoire, mais de celle de leurs hommes. Ils semblent réunir à eux deux toutes les vertus de la race l'énergie, le clair bon sens, l'initiative, la volonté de tout sacrifier de leurs soldats à la patrie - et d'eux-mêmes à leurs soldats. Ils marchent côte à côte, le père et le grand-père. Il y a là celui qui a dit, bien qu'attaqué de toutes parts et débordé sur son flanc: «Situation excellente. J'attaque.» Il y a là celui qui a dit au lendemain de la victoire qui sauva Paris: «N'illuminez pas, nous avons trop de morts». Il y a là les deux hommes qui ont sauvé la France.
Et voici Pétain, à l'œil bleu, au sourcil blanc, à l'irrésistible vouloir, qui organise, dirige, prévoit, ose, répare, obtient. Voici Castelnau, le sauveur de Nancy et de notre aile droite, Castelnau qui, sans un murmure, a vu mourir ses trois fils et a tout fait pour les rejoindre là où il est sûr de les retrouver un jour. Il devrait être notre quatrième maréchal. Mais que lui importe! Ses étoiles sont ailleurs. Voici Mangin qui exige la victoire lorsqu'on ne la lui accorde pas. Voici Gouraud qui n'a plus qu'un bras et qui l'aurait donné si volontiers, son cœur suffisant à tout. Et voici Dégoutte, Humbert, Debeney, Berthelot, Hély d'Oissel, Gérard, Fayolle, Maistre, et les autres et tous les autres qui, chacun à sa place, à l'heure utile, au poste indiqué, a arraché à l'ennemi un morceau de la victoire.

Les pays alliés défilent par ordre alphabétique
Voici les armées alliées. Les Américains éclatant de force alerte, de robuste jeunesse, et dont l'alignement, les uniformes et les armes sont aussi bien tenus que la comptabilité. À leur tête, très droit, très froid, marche le général Pershing, qui le jour même de son arrivée en France était allé tout droit au tombeau du libérateur, et la main à la visière de sa casquette, avait dit simplement: «La Fayette, nous voici!» Cela aussi c'est de la comptabilité en bon ordre.
Les Belges sont plus lourds, moins bien alignés, mais, ils respirent la forte quiétude d'avoir accompli un redoutable devoir et d'avoir fait de leur pays, qui était le pays du bien vivre, le pays du bien mourir. Ce sont ensuite les détachements anglais, sir Douglas Haig en tête, cette infanterie si souple, si élégante, si musclée qu'un cavalier ne saurait n'en pas être jaloux.
Fifres allègres, cornemuses champêtres, Indiens hiératiques, Ecossais aux jambes nues, les sections succèdent aux sections, à l'ombre d'un peuple de drapeaux, si nombreux que l'on n'aperçoit plus les mains qui les tiennent. Tout cela éclate en couleur, en musique, en jeunesse, en force, en santé, et affirme la vigueur d'une nation simple, cordiale et puissante.
Les Italiens passent. Ces régiments-là ont laissé en Champagne la moitié de leurs effectifs. Saluons-les très bas.
Les Italiens passent. Ces régiments-là ont laissé en Champagne la moitié de leurs effectifs. Saluons-les très bas. Ils ont payé de leur sang une fraternité latine que ni eux ni nous ne pouvons ni ne devons oublier. Ils défilent l'arme à la main, le fusil horizontal, prêts à l'attaque, comme si Fiume était dans les Champs-Elysées.
Voici les Japonais qui ressemblent à une petite troupe d'ingénieurs intelligents, attentifs et malicieux et qui représentent le péril jaune sous sa forme la plus sympathique.
Voici les Portugais gris de fer, les Roumains où je reconnais, si pareils aux nôtres, les admirables soldats de l'Oituz et de Marashesti; les Serbes, qui évoquent leur épopée, et le pays où le plus vieux recrutement, dit «de défense suprême», se compose des hommes au-dessus de soixante ans et des enfants au-dessous de seize ans! Voici les Polonais, que tout un passé de douleur ne semble pas avoir trop attristés- et qui portent le bleu comme s'il avait toujours été leur horizon. Et voici les vaillants Tchéco-Slovaques, qui me font songer à mon cher et admirable Stéfanick, et les Siamois, qui me font songer à une féerie du Châtelet, et que nous y reverrons peut-être un jour.
Je ne puis m'empêcher d'éprouver et d'exprimer un regret celui de n'avoir pas aperçu parmi les troupes alliées une section de soldats russes blessés. Ils n'auraient certes pas représenté parmi nous l'armée de Lénine et de Trotsky, mais les deux millions d'hommes qui sont tombés sur le front oriental dans les deux premières années de la grande guerre. C'eût été un hommage et une justice à leur rendre.
Le défilé des armées alliées s'achève. Tous ces uniformes- de tous pays- certains jours ont été teints d'une même couleur: celle du sang. Par là ils nous sont tous sacrés. Dans quelques instants, ils passeront place de la Concorde.

Puis un grand espace vide, un grand silence, un grand recueillement, l'attente de quelque chose d'infiniment grand et d'infiniment beau et que voici: l'armée française.
Alors un immense enthousiasme a soulevé tous les cœurs, le grand cri de la reconnaissance unanime s'est élevé vers ces hommes. Les poilus défilaient!
J'ai entendu une jeune femme de nationalité argentine s'écrier: «Enfin, voilà nos poilus!» Je ne vois pas de plus grand et de plus simple hommage - et plus justement décerné. Ce sont les poilus du monde. Ils ont sauvé le monde.
Ils sourient. Ils ne se doutent point de ce qu'ils sont et de ce qu'ils seront. Ils ont accompli une épopée et ils ont des figures de chanson. Ils reviennent pareils, à eux-mêmes, avec la même volonté de faire tout ce qu'il faut quand il faut.
Le défilé des poilus: «Ce sont les poilus du monde. Ils ont sauvé le monde».
Tels ils étaient lors du grand départ, tels ils sont lors du grand retour. Ils disaient: «On les aura». Ils disent: «On les a eus». Cela leur suffit. Ils sont simples dans leurs paroles; leurs actions seules ont été lyriques. Ils préfèrent cela. C'est leur manière. Ah! ceux-là ne demandent rien, n'exigent rien. Ils n'ont pas- réclamé le courage de huit heures, et sans protester contre la vie chère chaque jour depuis cinq ans ils ont affronté la mort à bon marché. Nous avons salué tout ce qu'ils nous rapportaient: la Victoire, la Paix, la confiance, l'équilibre, le goût du bon sens, de la bonne humeur, de la bonne entente, du bon espoir. Mais ils ne nous ont pas rapporté que cela: ils nous ont aussi rapporté nos morts. Entre chaque section, dans les espaces vides, il semblait qu'ils leur eussent réservé leur place. Oui, ils nous diront le dernier mot, le dernier geste, le dernier espoir de ceux qui ne sont plus. Combien de douleurs ils apaiseront ainsi! Combien de larmes ils sécheront en donnant à ceux qui pleurent la certitude qu'il n'y a pas eu de deuils inutiles, et qu'à chacun des sacrifices correspondent un lambeau de victoire [...]. »
Par Robert de Flers.
Référence : 8634
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